Froissart (18) décrit la situation du pays : "Les choses étaient tellement entrelacées et les seigneurs et les chevaliers étaient si divisés, que les forts foulaient aux pieds les faibles, et ni la loi ni la raison ne furent accordés à aucun homme. Des villes et des châteaux. ont été mélangés intimement, certains étaient anglais, d'autres français. Ils se sont attaqués, rançonnés et pillés l'un l'autre sans cesse".
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Le duché d'Aquitaine fut porté à la couronne d'Angleterre par le mariage le 18 mai 1152 d'Aliénor d'Aquitaine avec Henri II Plantagenêt, alors duc d'Anjou et bientôt roi d'Angleterre. Le mariage d'Alienor avec Louis VII, roi des Francs, n'avait été annulé que quelques semaines auparavant, le 11 mars 1152. Les rois anglais, en tant que ducs de Normandie, devaient rendre homage au roi de France. Mais en 1337 Edouard III déclara qu'il était lui-même le roi légitime plutôt que Philippe VI. Edouard a refusé de rendre hommage à Philippe qui, par conséquence, confisqua l'Aquitaine.
Voici, ainsi débute la tourmente... Le Quercy fut épargné par les campagnes royales des deux dynasties car aucune grande campagne ou bataille n'a eu lieu dans la région. Toutefois, la chevauchée de Jean de Gand, fils du roi Edouard III d'Angleterre, qui a traversé Brive en 1373, a ravagé le Quercy et a conduit à son apauvrissement. Le Haut Quercy se trouvaient pris dans le tourbillon des forces opposées, et les Valois ne pouvaient pas protéger la région des routiers mercenaires.
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En 1346, Gaillard de Durfort, commandant des seigneurs de l'Agenais, remonta la vallée du Lot avec une force de 400 cavaliers. Près de Cahors il se dirige vers le nord, pour réapparaître dans les derniers jours de septembre en Corrèze où il prend la ville de Tulle. Des armées destinées à soutenir la couronne française au siège de Calais sont détournées vers Tulle en novembre et, en concluant un accord sur les conditions de reddition, les intrus gascons se sont rendus.
En 1347 des troupes Gasconnes occupent Belcastel sur la Dordogne, leur première véritable incursion dans le Quercy, et les forces Gasconnes prennent Montcuq un an plus tard. Le 11 septembre 1351, une trêve d'un an est signée à Guines près de Calais entre la France (Jean II Le Bon) et l'Angleterre (Edouard III). Après avoir été payées, les troupes des deux camps se dispersent. Alors que la trêve fut bien observée dans le nord, il n'en va pas de même dans le sud. Sur la frontière de la Gascogne les Français continuaient à étendre leur territoire comme si rien ne s'était passé à Guines. Les Anglais, de leur côté, reviennent rapidement à la guerre irrégulière malgré la paix et commence à organiser des bandes de mercenaires gascons pour un assaut soutenu sur la province du Quercy. Le moment décisif survient en décembre 1351, quand un important contingent de Gascons, dirigé par le captal de Buch, a capturé Saint-Antonin. Ils ont pillé la ville et y ont établi une garnison pour effectuer des raids en Quercy. |
"Dans la plupart des endroits les faits ne sont connus que dans les grandes lignes, reconstituées à partir des fiches de paye de garnisons et des dépositions données à l'enquête de la commission papale plusieurs années plus tard. Mais l'histoire peut être suivie dans les comptes et les comptes-rendus du greffier de la ville de Martel, tachés par de l'eau et en partie mangés par des rats. Ces documents évoquent ce que cela signifiait de vivre dans une petite ville du Quercy, assiégée constamment par des ennemis, éloignés et invisibles; du courrier craintif en provenance des villes avoisinantes; bandes d'hommes armés vus en passant par les murs et les portes barrées de la ville et à travers les chemins forestiers du causse; avertissements envoyés dans la panique aux lieux sur leur route ;
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délégués envoyés pour demander de l'aide au vicomte de Turenne, au sénéchal du Quercy, au pape ou de toute autre personne qui voulait l'entendre; réunions improvisées en toute hâte par des villes et des seigneurs de la région; armes réparties entre les habitants; hommes envoyés pour acheter de l'artillerie à Toulouse; banlieues abandonnées par leurs populations, désormais cantonnées dans des logements dans l'enceinte des murs; argent saisi par des hommes armés pour la rançon des citoyens éminents; commerçants mettant en place leurs bancs sur les murs afin qu'ils puissent monter la garde pendant qu'ils travaillaient; les travaux désespérés sur les murs et les fossés, et toujours la crainte d'une attaque surprise et le soupçon de trahison à l'intérieur." (5)
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Capturé par les Anglais à la bataille de Poitiers en 1356, le roi Jean Le Bon meurt en captivité à l'hôtel de Savoie à Londres en 1364. Le désastre de Poitiers conduit la France à accepter le traité de Brétigny, en 1360. Cet accord de paix impose de lourdes pertes territoriales aux Valois et marque la fin de la première phase de la guerre de Cent Ans, ainsi que le point culminant de l'hégémonie anglaise sur le continent. Selon les clauses du traité, la vicomté de Turenne est devenu anglaise, mais ce n'est que le 8 mars 1361 que le vicomte Guillaume a rendu hommage au roi d'Angleterre, tout en restant fidèle à la maison des Valois. |
Face au succès de la stratégie du duc d'Anjou, Sir John Chandos, connétable anglais d'Aquitaine, s'est résolu à attaquer le Quercy. Mais, avec seulement 500 hommes disponibles, il était obligé de forger une alliance avec Bertucat d'Albret, leader des bandes survivantes des routiers qui avaient fait partie de la Grande Compagnie. En janvier 1369 Bertucat a amené ses compagnies de l'Auvergne jusqu'en Quercy et en mars 1369, il s'est établi à Montauban avec Chandos. Quelques jours plus tard Bertucat a traversé la Dordogne à Bergerac, dans le but d'envahir le Quercy depuis le nord.
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Dans le même temps le chevalier Robert Knolles de Cheshire, avec le soutien tacite de la couronne d'Angleterre, remontait la vallée du Lot mais fut bloqué par une force française composée de cinq bandes de routiers qui occupaient Duravel. Knolles assiégea la ville et fut rejoint par Chandos, mais ils n'ont pas réussi à briser l'emprise française sur la vallée. Au début de mai, ils abandonnèrent le terrain et ils marchèrent vers les causses du Quercy au nord. |
La ville de Rocamadour était un cas typique, avec sa garnison française installée depuis le mois de mars. A l'arrivée de Chandos, il n'y avait qu'une résistance symbolique. Mais le lendemain matin, les portes s'ouvrirent, et la ville a juré fidélité au prince de Galles, de même que deux mois avant elle avait juré fidélité au roi de France. C'est ainsi que Rocamadour restait en paix. |
En décembre 1373, lors de sa chevauchée de Calais à Bordeaux, Jean de Gand et son armée se sont arrêtés pendant trois semaines dans la vallée de la Corrèze. La ville de Tulle n'a opposé qu'une résistance superficielle et Brive a ouvert ses portes et a accepté la garnison anglaise volontairement.
Les capitaines gascons Bernard de la Salle et Bertucat d'Albret ont unis leurs forces à celles de la couronne anglaise à Brive. Bernard fut nommé capitaine pour le roi d'Angleterre dans le Limousin et c'est de là que ses compagnies ont occupé des forteresses en Auvergne et en Quercy qui sont devenus les centres d'activités routières pendant les deux décennies suivantes.
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C'est à Brive en décembre 1373 que Jean de Gand entre en contact avec la cour de Guillaume Roger, vicomte de Turenne, frère du pape et son principal conseiller politique, afin d'ouvrir la voie pour le congrès de Bruges. Brive est la seul récompense qui échut à Jean de Gand en 1373, mais les forces françaises à Toulouse commandées par le duc de Bourbon ont pris la route et le 22 juillet 1374 et ils sont arrivés devant Brive qui ne fut défendue que par ses citoyens et une garnison anglaise de 50 hommes. Les forces françaises ont attaqué la ville par deux côtés, ont franchis les murs et se sont répandus dans les rues. La garnison a fui à la tour de Saint-Martin, mais elle a été prise d'assaut et exterminée. Les consuls ont tous été décapités à côté de la porte par laquelle ils avaient admis les Anglais seulement huit mois avant. |
Jules Michelet : un récit du seigneur dans la première moitié du XVe siècle : "Le seigneur ne revisitait ses terres qu'à la tête de ses soldats pour extorquer de l'argent par la violence. Il descendit sur eux comme un orage de grêle. Tous se cachèrent à son approche. L'alarme résonna à travers ses terres. C'était le sauve-qui-peut. Le seigneur n'est plus un vrai seigneur; C'est un capitaine brutal, barbare, à peine un chrétien. Un écorcheur est le vrai nom pour un tel homme, ruinant ce qui était déjà en ruines, arrachant la chemise sur le dos de celui qui en avait une; s'il n'avait que sa peau, il fut écorché. Ce serait une erreur de croire que ce n'était que les capitaines des écorcheurs, les bâtards, les seigneurs sans une seigneurie, qui se montraient si féroce. Les princes dans ces guerres atroces avaient acquis un goût étrange pour le sang. Que peut-on dire quand on voit Jean de Ligny, de la maison de Luxembourg, exercer son neveu, le comte de Saint-Pol, un enfant de quinze ans, en massacrant ceux qui ont fui. Ils ont traité leurs frères de la même manière que leurs ennemis. Pour plus de sécurité - mieux vaut être un ennemi qu'un proche. Le comte d'Harcourt a gardé son père prisonnier toute sa vie. La comtesse de Foix a empoisonné sa sœur. Le sire de Gial a empoisonné sa femme. Le duc de Bretagne fit mourir son frère de faim, et cela publiquement; des passants ont entendu avec un frisson une voix plaider un peu de pain. Un soir, le 10 janvier, le comte Adolphe de Gueldre a pris son vieux père de son lit, l'a traîné pieds nus dans la neige pendant cinq lieues et l'a jeté finalement dans un fossé. C'était la même chose dans toutes les grandes familles de l'époque, dans celles des Pays-Bas, dans celles de Bar, Verdun, Armagnac, etc. Les Anglais avaient disparu, mais la France se tuait toute seule." |